Les journalistes, photographes, illustrateurs et illustratrices se mobilisent pour défendre leurs droits et adressent une lettre aux parlementaires, au président de la République, au ministre de la Culture, aux éditeurs et agences de presse.

Ensemble, nous avons combattu pour instaurer un droit voisin pour la presse afin de garantir la liberté de l’information en rééquilibrant le partage des revenus avec les GAFA. Ensemble, nous avons convaincu les eurodéputés du bien-fondé de notre lutte pour la démocratie du vieux continent.

Editeurs, agences et journalistes ont travaillé ensemble. Les premiers sollicitant les seconds, au premier rang desquels notre confrère Sammy Ketz qui a réussi à mobiliser avec pertinence et conviction ses pairs dans toute l’Europe, dont plusieurs lauréats du Prix Albert Londres.

Le 26 mars dernier, le Parlement européen a voté cette directive fondamentale instaurant un droit voisin du droit d’auteur au profit de la presse afin qu’elle soit rétribuée pour l’utilisation de ses articles notamment sur les plateformes en ligne.
Ce texte impose aux éditeurs et aux agences de partager de manière « appropriée » les revenus avec les journalistes et les autres auteurs (photographes, illustrateurs…) qui alimentent de leurs œuvres les colonnes et les écrans de la presse.

Puis brusquement, à l’heure de la transposition de la directive dans le droit français les éditeurs et agences se désolidarisent non seulement des journalistes mais également entre eux et tentent de tirer les avantages de cette victoire au bénéfice de leurs seuls intérêts.

La proposition de loi du sénateur David Assouline, qui vise à transposer sans délai l’article 15 de la directive en droit national, est actuellement en cours d’adoption au Parlement. La version du texte adoptée par l’Assemblée nationale le 9 mai semble, à première vue, renforcer ce droit en ajoutant que ce partage soit « équitable ». Des amendements du même sénateur prévoient de sécuriser les droits des « auteurs non-salariés », en renvoyant la négociation de leurs droits à des accords avec les organisations d'auteurs. 

Il est pour le moins étrange que le texte n'accorde cette garantie qu'aux auteurs non-salariés et non aux journalistes, pourtant auteurs des articles. Non seulement il les prive de toutes les garanties permettant justement un partage « approprié » et « équitable » mais il génère une inégalité de traitement entre catégories d’auteurs. Au contraire, le texte renvoie, certainement sous l’influence d’une partie des éditeurs, à des accords d’entreprise le soin d’organiser les conditions de cette répartition. Or, l’expérience prouve que ce mode de négociation n’accouche jamais d’un partage équitable : elle rappelle, non sans douleur, les conséquences de la loi Hadopi de 2009, montrant que les rémunérations dépendaient étroitement des rapports de force, en l’occurrence largement favorables aux éditeurs. Les journalistes sont légions à ne jamais avoir vu la couleur de l’argent de cette rémunération.

Par ailleurs, les éditeurs et les agences croient-ils qu’ils seront à même de négocier leurs droits individuellement d’égal à égal avec les GAFA ? D’autres éditeurs, en Allemagne et en Espagne, en ont fait la triste expérience. Si quelques grands groupes de presse arrivent à négocier un généreux pourboire avec les GAFA, qu’en sera-t-il, notamment, des titres de la presse spécialisée ? Les GAFA dicteront leur loi et leurs tarifs, en menaçant de ne pas les référencer.

C’est pourquoi, nous, journalistes, photographes, dessinateurs et dessinatrices de presse, demandons instamment au législateur d’empêcher que quelques éditeurs de presse ne s’approprient la majorité des revenus promis par l’article 15 de la Directive droit d’auteur.

Pour une rémunération réellement « appropriée » et « équitable », nous plaidons pour la mise en place d’une gestion collective que le CFC peut parfaitement garantir. Seule la gestion collective, soumise à de nombreux contrôles, sera capable d’assurer la sécurisation de nos revenus, quelle que soit la taille du journal ou groupe de presse pour lequel nous travaillons, et d’améliorer la santé financière de la presse dans sa globalité et sa diversité.

Comment imaginer une presse forte et indépendante si les acquis de la Directive droit d’auteur viennent servir les seuls intérêts des (plus grands) groupes de presse en ignorant ceux des journalistes ? Le credo qui nous a unis face aux GAFA est plus que jamais d’actualité : une presse mieux financée et des journalistes justement rémunérés garantissent l’indépendance de l’information.

L’enjeu est essentiel pour la démocratie, cette valeur commune qui nous est chère. Prenons donc le temps nécessaire pour parfaire ce texte capital. 

Nos actions servent de modèle pour l’Europe et le monde. Restons unis.

La Scam gère les droits de 45.000 auteurs et autrices dont les journalistes de télévision, radio et presse écrite.
La Saif défend, perçoit et répartit les droits des auteurs des arts visuels, parmi lesquels les photojournalistes et les dessinateurs de presse.
L’ADAGP repré­sente 180 000 auteurs dans le monde, dans toutes les disciplines des arts visuels, dont les photographes, les illustrateurs et les dessinateurs de presse.


Pour mémoire