Un article de Bessora, romancière, nouvelliste, présidente du CPE, pour la lettre Astérisque n°64.

Aujourd’hui encore, les auteurs reçoivent la portion congrue sur les revenus des ventes de leurs œuvres. 7,2 %, c’est le taux de rémunération moyen des écrivains, selon le dernier baromètre de la Scam / SGDL. Pour des œuvres qui participent au bien commun, ce n’est pas cher payé…
Sauf à vendre 15 000 livres par an, on ne fait pas un SMIC et bien souvent on se trouve noyé dans une énorme production éditoriale : 100 000 titres en 2018, tous secteurs confondus, dont 45 000 nouveautés. Il s’agit là de la question de la rémunération des auteurs. Elle constitue une des priorités du CPE, dont le rôle majeur est de faire avancer les dossiers.

Des écrivains créent ce Conseil permanent en 1979, en réponse à l’arrêté Monory. Depuis, il est un lieu d’échanges, d’action et de réflexion entre les organisations, syndicats et organismes de gestion collective (OGC) qui le composent, et qui se fédèrent autour de la défense des intérêts particuliers et généraux des écrivains, des illustrateurs et plus généralement des auteurs de l’écrit et de l’image.

Les auteurs du livre, comme les autres, sont connus surtout pour leurs œuvres. Beaucoup moins pour leurs coulisses, les conditions matérielles et sociales d’exercice de leurs métiers. Population hétérogène, ils exercent une dizaine de métiers différents, sur une dizaine de secteurs d’édition. On y trouve des auteurs de textes, des traducteurs, des scénaristes BD, des illustrateurs, des adaptateurs, des dessinateurs, des coloristes, des graphistes, etc. Ils œuvrent dans les arts, la BD, les essais, les documents, la littérature, l’univers jeunesse, le livre pratique, les sciences humaines, le domaine scolaire, etc. En 2018, en littérature et en jeunesse, un livre se vend en moyenne à 4 500 exemplaires. Un peu moins de 6 000 pour la BD. Ce sont les dictionnaires et les encyclopédies qui s’en sortent le mieux avec plus de 10 000 exemplaires. Autant dire que les auteurs doivent diversifier leurs sources de revenus. Mais ce n’est pas tout.

Une reddition de compte annuelle de la part des éditeurs suffit-elle, quand on sait que les OGC fournissent cinq répartitions par an et les plateformes d’autoédition, des chiffres en temps réel ?
La rémunération en droits d’auteur ne pourrait-elle être élargie, dans la mesure où les écrivains sont très demandés en ateliers, résidences, et toutes sortes d’interventions relevant de l’éducation artistique et culturelle ? Mais aussi dans des formations initiales et continues ?

À quelle sauce seront-ils mangés dans l’actuelle réforme de la retraite ? Cotiser plus pour toucher moins ? Comment se fait-il que leurs droits soient généralement cédés jusqu’à soixante-dix ans après leur mort ? N’est-il pas possible de les récupérer plus tôt ? Surtout s’ils ne sont pas exploités. Ces questions, et tant d’autres, se posent aux pouvoirs publics et au Syndicat national de l’édition. Le CPE, au fil du temps, est devenu un interlocuteur incontournable. Ainsi suit-il la transposition, dans la loi française, de la directive européenne sur les droits d’auteur. De même, l’accord auteurs-éditeurs sur le contrat d’édition à l’ère numérique, qui a été transposé dans le Code de la propriété intellectuelle (CPI) en 2014, doit être rediscuté cette année sous l’égide du ministère de la Culture. Le CPE travaille donc dans la durée, à l’évolution du CPI et des usages dans l’édition, et à la prise en compte, par les pouvoirs publics, de la spécificité des auteurs : ni salariés ni indépendants.
Deux États généraux du livre ont ainsi été organisés en 2017 et 2018, tout à la fois lieux de réflexion et plateformes revendicatives. Le premier était centré sur les rapports des auteurs avec les pouvoirs publics, en particulier, du fait des réformes fiscales et sociales. Il en est notamment résulté une compensation de la hausse de la CSG pour les auteurs.

Au sujet de la réforme actuelle de la retraite, si le rapport Delevoye préconise la prise en charge de la part « patronale » des cotisations, jusqu’à un plafond, la réflexion se poursuit sur l’égalité de traitement des auteurs, sur les conditions d’un minimum retraite, sur la pérennisation du financement de 50 % des cotisations par la SOFIA, et le fléchage de la contribution diffuseur, qui s’élève à 1 %, depuis 1975.

Le partage de la valeur a été au centre de la deuxième édition des États généraux du livre (2018).
En effet, il est invraisemblable que l’auteur, à l’origine de l’œuvre, soit le plus mal servi dans ce partage, aux motifs de « réalités économiques » qui justifieraient cette iniquité. Une œuvre ne peut pas se réduire à sa valeur de marché, sinon c’est un bien de consommation courante, l’auteur est un fournisseur, et nous ne nous situons plus dans le droit d’auteur mais dans le droit commercial. Tous les acteurs de la chaîne du livre, mais aussi les pouvoirs publics, ont été invités à réfléchir à la question du partage de la valeur. Des pistes ont été lancées : 10 % de droits d’auteur par livre, une contribution sur les livres d’occasion, la question d’un à-valoir ou d’un minimum garanti.
Dans le prolongement des États généraux du livre, des groupes de travail constitués entre le CPE et le SNE cherchent ensemble des solutions satisfaisantes, sur la périodicité des comptes, leur transparence, et un outil de sortie de caisse qui permettrait aux auteurs d’avoir une visibilité sur leurs ventes de livres. Nous sommes ici dans le cas d’un livre régulièrement exploité. Mais quand il ne l’est plus, il doit pouvoir être « restitué » à son auteur. Une fois ses droits récupérés, qu’en faire ? Les céder à nouveau, les exploiter soi-même ? Le CPE engage par ailleurs une réflexion sur l’autoédition.
Le CPE, c’est cette intelligence collective. Elle permet des avancées en commun, que les organisations peuvent difficilement obtenir les unes sans les autres. C’est pour cela qu’il existe.

 

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